Jusqu’où le crowdfunding —le financement participatif, en bon français— s’arrêtera-t-il ? Les excellents confrères d’Internet Actu ont publié au début de ce mois, sous la plume de Hubert Guillaud, une analyse passionnante des enjeux et défis de ce nouveau mode de financement mutualisé qui, par l’intermédiaire de plateformes dématérialisées (Kickstarter, Ulule, Kisskissbankbank, Mymajorcompany, pour ne citer que les plus connues) échappe à tous les circuits traditionnels et qui, après des incursions dans des secteurs finalement assez attendus —applications, design, musique, films…— commence à s’étendre à des initiatives plus vastes et autrement plus ambitieuses comme, en particulier, l’urbanisme et les services au public.
En tout état de cause, ce phénomène qui, pour modeste qu’il soit, n’en demeure pas moins spectaculaire en termes de rythme de croissance —Kickstarter sera tout de même parvenu, pour la seule année 2011, à lever auprès des internautes quelque 119 millions de dollars ! — pose un certain nombre de questions tout en préfigurant de nouveaux modes d’intervention citoyenne. Il semble en particulier qu’à l’heure où le phénomène DIY (Do It Yourself, soit Faites-le Vous-Même) est en plein essor, un certain nombre de citoyens, regroupés sous diverses formes fédératives, aient réalisé que le progrès technologique n’est décidément plus lié au destin, à l’envie, voire à la stratégie marketing des firmes privées et que le bon vieil adage “aide-toi, le Web t’aidera” soit plus d’actualité que jamais.
Certes, note Guillaud, le phénomène demeure pour l’heure embryonnaire, et implique son lot de retards à la livraison, de ratages purs et simples et d’ambitions déçues. Surtout, insiste-t-il, les motivations à l’œuvre —que ce soit du côté des “mécènes” ou de celui des réalisateurs— sont d’évidence plus complexes qu’elles ne le semblent en première lecture. En particulier il semble que pour l’instant, le phénomène s’assimile globalement plus à une démarche de préachat, ou de prévente suivant le côté où l’on se place, qu’à une véritable ambition de mécénat citoyen.
Pour autant, et c’est en cela qu’il s’avère passionnant, ce phénomène semble signaler le début d’une prise de conscience aiguë des individus quant à leur capacité intrinsèque à intervenir, par l’intermédiaire de leur financement, sur le monde qui les entoure. Car après tout, la notion de société moderne ne réside-t-elle pas in fine sur la bonne volonté de ses citoyens quant à lui confier leur vie et une partie de leur argent en échange de services et d’infrastructures, susceptibles d’améliorer leur sort quotidien ?